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La fiscalité de l’Etat : redistribution à l’envers

16 novembre 2009, 13:57, par Gobseck

Un exemple de plus de la redistribution à l’envers

C’était dans Marianne, et aussi ailleurs, ci-dessous la recopie d’un article de mediapart.fr

Brève histoire d’un amendement de 20,5 milliards d’euros

Article publié le ven, 13/11/2009 - 17:57, par Martine Orange - Mediapart.fr

Eric Woerth a séché ce jour-là à la tribune de l’Assemblée nationale. Interrogé par le président de la commission des finances, Didier Migaud, le ministre du budget n’a pas su répondre à la question : comment expliquer que l’exonération sur les plus-values réalisées par les entreprises sur leurs titres de participation, qui devait coûter 1 milliard d’euros au budget de l’Etat, selon les calculs de Bercy, se traduise finalement par un manque à gagner de 20,5 milliards d’euros sur deux ans ? Le ministre a dû reconnaître qu’il n’avait pas la réponse.

Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances du Sénat, qui présenta l’amendement en décembre 2004, n’a pas non plus d’explication. Il renvoie la responsabilité au gouvernement. « Les moyens d’estimation sont aux mains du gouvernement. Nous dépendons de lui pour toutes les données chiffrées », explique-t-il. Bref, chacun élude, en maudissant ceux qui ont déterré ce coup fourré fiscal.

Par la grâce de la loi, les grandes entreprises sont désormais exclues de tout impôt sur les sociétés sur les plus-values réalisées sur la vente de leurs filiales et de leurs titres de participation. Ainsi, lorsque Danone vend son activité biscuit à l’américain Kraft pour plus de 5 milliards d’euros à l’été 2007, le groupe est totalement exonéré d’un impôt sur les 3 milliards de plus-values qu’il réalise avec cette cession. De même, quand les banques françaises apportent tous leurs titres Euronext à l’offre lancée par New York Stock Exchange, elles sont aussi exonérées de tout impôt sur les 400 millions de plus-values réalisées à cette occasion.

Le législateur a accordé un champ très élargi à cette mesure. Non seulement il a exonéré les entreprises mais aussi les sociétés de portefeuille ainsi que toutes les sociétés de capital investissement, qui se sont lancées ces dernières années dans des opérations très rentables de LBO (leverage buy out, rachat avec effet de levier). Ces dernières années ont été une manne pour elles. L’argent coulait à flot, et les entreprises ont changé de main trois ou quatre fois en quelques années, permettant à ces investisseurs privés de doubler ou tripler la mise. Comme la loi admet que l’exonération est valable après deux années de détention des titres, les transactions et l’« extériorisation » des plus-values n’en ont été que plus aisées.

Pour les finances publiques, cela s’est traduit par une perte de sèche de 12,5 milliards d’euros en 2008, calcul effectué à partir des transactions de 2007. Selon les estimations du ministère des finances, il en coûtera encore 8 milliards aux finances publiques en 2009. Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés ne cesse de baisser. En 2009, il devrait rapporter à peine 52 milliards d’euros, compte tenu des restitutions d’impôt consenties aux entreprises, contre plus de 70 milliards d’euros, il y a quelques années.

Demande pressante du patronat

« Il s’agissait d’éviter les délocalisations des sociétés, et notamment des sociétés de portefeuille au Luxembourg », justifie Philippe Marini pour expliquer le dépôt de cet amendement, rappelant que la disposition répondait à un mouvement général d’abaissement des impôts en Europe. « Il faut savoir si l’on est dans l’Europe ou non », assène-t-il.

Quand les chiffres de ce cadeau fiscal ont commencé à être diffusés, le sénateur, malgré tout, a fait savoir que, dans cette affaire, il n’avait été que le messager. L’amendement avait en fait été transmis par Jean-François Copé, à l’époque ministre du budget. Selon Marianne, l’ordre serait même venu de plus haut, de Nicolas Sarkozy lui-même, alors ministre des finances.

Le texte répondait à une demande pressante du patronat, toujours à la recherche de nouvelles baisses de la fiscalité. L’Association française des entreprises privées (AFEP), relayée par le Medef, avait apporté alors sa contribution, proposant un texte législatif tout écrit qui inspirera par la suite le gouvernement. Le tout était assorti d’une menace : si la fiscalité française ne s’alignait pas sur les « meilleures pratiques » européennes, les groupes n’hésiteraient pas à implanter leur siège à l’étranger. L’argument a été jugé suffisamment fort pour que le gouvernement s’incline sans discuter. Mais avait-il vraiment besoin d’être fortement persuadé du bien-fondé de la mesure ?

Aujourd’hui, personne n’est capable d’estimer les apports de cette exonération par rapport à son coût. Mais le gouvernement ne semble pas décidé à la remettre en cause, au nom de l’harmonisation fiscale européenne.

Didier Migaud a présenté une série d’amendements pour au moins l’encadrer et en diminuer le coût pour les finances publiques. Il propose de porter la durée de détention des titres par les groupes de deux à cinq ans, afin de s’inscrire vraiment dans le long terme. Il suggère de porter la quote-part des frais et des charges incorporés dans les résultats pour le calcul de l’impôt sur les sociétés de 5 à 20% , ce qui ferait passer le taux de l’impôt de 1,5% à 6,8%. Enfin, il demande que les exonérations soient refusées à toutes les sociétés étant implantées dans des paradis fiscaux ou dans les pays dotés d’une fiscalité privilégiée. Autant de mesures qui ne pénaliseraient pas les entreprises mais porteraient un coup aux sociétés de portefeuille.

Ces amendements ont-ils une chance d’être adoptés ? Jusqu’alors, le Parlement se montre encore plus sensible aux arguments des entreprises qu’aux coûts budgétaires. Même sur les retraites-chapeaux des dirigeants, sujet pourtant largement commenté et condamné par une majorité de parlementaires, il n’a pas osé légiférer. Après un bref coup d’éclat, le Sénat s’est empressé d’enterrer tout dispositif d’encadrement.
sur mediapart.fr

URL source : http://www.mediapart.fr/journal/eco...

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