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Tchéquie

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La Tchéquie a succédé à la France et précède la Suède pour six mois à la tête du Conseil Européen. C’est la première fois depuis son adhésion à l’Union le 1er Mai 2004. Et la dernière si le Traité de Lisbonne est ratifié. Sinon, il lui faudra attendre le premier trimestre 2022, et plus si d’autres États nous rejoignent.

Voir en ligne : Le site de Bernard Poignant

Chacun a noté les déclarations du Président de la République, Monsieur Vaclav Klaus : « Je me sens un dissident de l’Union Européenne », « la Tchéquie ne sera pas une colonie de l’U.E. ». Il a sous-entendu que l’Union Européenne pourrait ressembler à l’Union Soviétique ! Il souhaite même que le drapeau européen ne flotte pas sur sa résidence présidentielle, le Château de Prague. Dans le passé, il a proposé « une économie de marché sans adjectif »comme si « social » était un gros mot. Il doit admettre qu’aujourd’hui c’est mieux qu’une « économie financière de marché ».

Tout cela ne fleure pas bon un démarrage de présidence, d’autant qu’il résiste à la ratification du Traité de Lisbonne qu’il a pourtant signé.

Pourtant, il faut chercher à comprendre. Interroger l’idéologie ne suffit pas : après tant d’années d’oppression communiste, on peut admettre que le balancier fasse de lui un libéral outrancier. Interroger l’histoire aide davantage à expliquer ce qui ne veut pas dire approuver.

La Tchéquie a l’épiderme de la souveraineté très sensible. Et les souvenirs ne plaident pas en faveur de beaucoup de nos actuels pays. elle a des raisons de manquer de confiance en nous. Le pays devient indépendant le 28 octobre 1918, avant d’être lâché et partagé, même dépecé, après les Accords de Munich du 30 septembre 1938 : le IIIème Reich annexe les Sudètes, la Hongrie le Sud de la Slovaquie, la Pologne le territoire de Teschen (Silésie). France et Royaume-Uni l’ont abandonné lâchement. Quelques années auparavant, en 1935, la France avait pourtant signé avec lui un pacte d’assistance militaire mutuelle. Il s’est révélé un chiffon de papier. Ça ne s’oublie pas. Puis, il y eut le « coup de Prague » de 1948, le pays mis en coupe réglé sous la férule soviétique, débouchant sur les procès des années 50 dont le roman « L’Aveu » d’Arthur London a détaillé les mensonges.

Pourtant, là encore, en 1943, le gouvernement en exil signait avec l’URSS un traité sensé protéger et garantir l’indépendance. Le pays a réveillé les consciences avec « le Printemps de Prague » de 1968, lui-même écrasé par les chars et dans le sang, ou dans le sacrifice par immolation de Jan Palach le 16 janvier 1969. Ce que l’on appelait « l’Occident » a protesté mais n’a pas bougé. Tout cela se comprend, ne s’oublie pas, marque un peuple.

Justement, l’Europe se bâtit pour dépasser tout cela. Qui mieux que la Tchéquie peut à la fois exprimer les souffrances et les espoirs de notre continent ? Elle a donné tant de personnalités et de projets à l’Europe : le révolté Jean Hus dès le XVème siècle ; la première Université européenne, à Prague avec Charles IV ; le réformateur Alexandre Dubcek ; le grand philosophe Jan Patocka mort sous la torture en 1977 ; le résistant Vaclav Havel, premier Président d’un pays redevenu libre ; le romancier Milan Kundera. Ce dernier disait qu’un « petit pays » se reconnaît ainsi : quand il se lève le matin, il ne sait pas quelles seront ses frontières le soir. C’est le meilleur résumé de l’histoire de cet Etat, mais aujourd’hui l’Europe garantit les frontières. Enfin, un philosophe tchèque Jean Amos Comenius, qui a vécu au XVIIème siècle, a donné son nom à un programme de l’Union Européenne pour les jeunes. Il est l’équivalent de notre Descartes.

Enfin, qui a rédigé le premier projet d’Union Européenne si ce n’est le roi de Bohême, George de Podebrady en 1464. Certes, il s’agit de chrétienté, mais on est au Moyen Age ! Il prévoyait un Conseil de souverains, une Assemblée parlementaire, un Tribunal international, et même une monnaie unique. Le premier destinataire de ce projet a été le roi de France, Louis XI. Ce dernier a dit « non » et le projet a été enterré ! Déjà !

Vaclav Klaus semble vivre l’Union Européenne selon la doctrine de « souveraineté limitée » établie par Léonid Brejnev dans les pays du Pacte de Varsovie après le « Printemps de Prague ». Il se trompe : l’Union Européenne est un projet de « souveraineté partagée », librement consentie parce que dans le monde du XXIème siècle, nos dizaines de pays européens ne peuvent pas s’en tirer seuls. Cela ne l’empêche pas de garder son amitié avec les États-Unis et ses relations avec la Russie. Mais de grâce, qu’il ne bloque pas l’Europe en refusant de ratifier le Traité de Lisbonne. Les quatre lettres qui font le mot « vote » écrivent aussi le mot « veto ». Au nom de cette histoire et parce que c’est notre avenir commun, avançons d’un même pas.

Un dernier mot sur cette affaire de drapeau bleu à douze étoiles dorées. Tchèques et Slovaques se sont disputés sur leur drapeau au moment de la séparation en 1992 entre la Tchéquie et la Slovaquie. La loi de partition interdisait aux deux États successeurs d’utiliser les symboles de la Tchécoslovaquie, comme le drapeau et les armoiries. La Slovaquie craignait que la Tchéquie, reprenant ces symboles, en tire un avantage commercial. Le drapeau européen n’a rien à voir avec tout cela. Il ne remplace pas l’emblème de chaque nation. Il représente notre unité. Encore un effort et votre présidence surprendra.

Publié le mardi 17 février 2009, par Bernard Poignant.

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