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Surveiller et punir : parquer les jeunes ou les aider à devenir citoyens

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Les événements du printemps dernier ont conduit le préfet à proposer de mettre en place le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dont j’avais demandé en vain la création depuis longtemps. Plusieurs réunions se sont tenues sous la présidence de M. Alavoine puis de M. Devouge, qui lui a succédé dans les fonctions de directeur du cabinet du préfet, en charge des questions de sécurité. La démarche devrait aboutir prochainement à des décisions concrètes : convention police municipale et gendarmerie, recrutement d’un troisième policier municipal, d’un animateur de rue, etc.

Les faits sont connus, et ils ont surtout été amplifiés par le tam-tam médiatique et par les rumeurs qui ont attisé les peurs ; sans parler de ceux qui rêvaient de faire de ce sentiment d’insécurité leur fonds de commerce politicien.

Quand il a fallu explorer les pistes d’action, nous avons entendu les yaka faukon. Avec en première ligne, les caméras de vidéosurveillance, panacée absolue, solution magique à tous les problèmes. Sans qu’ils se demandent si c’était techniquement possible d’en installer sous les Halles : combien en faut-il pour vraiment surveiller tout l’espace ? Comment on protège ces caméras du vandalisme ? Car pas besoin d’être un acrobate entraîné pour atteindre à peu près n’importe quel point de la charpente... et aveugler les caméras d’un jet de bombe à peinture ? Personne non plus ne dit où se déplaceraient les « délinquants » chassés de la place de la Tour-Belmont, devant le cinéma. Sauf à couvrir la ville de caméras, il ne paraît pas possible de garantir la tranquillité publique avec ces machines.

Ce serait, paraît-il, un signal fort pour nos populations... Ne serait-ce pas aussi un défi, ou en tout cas, un message de défiance adressé à toute la jeunesse ? Une sorte de provocation. Les temps derniers, on a vu sous les Halles des jeunes -et pas forcément des « voyous » - chercher où étaient cachées les caméras.

« Bon sang, mais c’est bien sûr, les jeunes s’ennuient, il faut leur proposer des activités, leur trouver un endroit ! » Et naturellement, à l’écart, le plus loin possible... Sans se demander si les jeunes accepteraient d’être parqués et si les « activités » proposées leur conviendraient.

En fait, la plupart des « solutions » de ces yaka faukon sont marquées de la mentalité autoritaire : surveiller, enrégimenter, parquer. Comme si la psychologie sociale n’avait pas exploré le fonctionnement des groupes, les jeux de leadership, l’attirance qu’exercent les comportements déviants sur les adolescents... Et pas besoin d’avoir fait de grandes études pour le comprendre : Ouest-France du dimanche 5 octobre expliquait les tensions que vivent les ados entre leur identité personnelle et leur fusion dans le groupe.

Oui, il faut des réponses plus élaborées. Mais d’abord, rassurer nos concitoyens, cesser d’attiser les peurs, dissiper les fantasmes par une information objective. Ensuite, en effet, tenter de renouer les contacts avec les jeunes, en commençant au moment où ils s’éloignent de l’école, des activités encadrées par les associations. C’est peut-être là que nous devons mettre plus de moyens matériels et humains. Pour accompagner les jeunes, les aider à devenir adultes et citoyens responsables.

Aurai-je la cruauté de rappeler que l’action sociale est une des premières compétences du conseil général ? Pourquoi ne pas appliquer à Questembert ce qui avait été accordé à Allaire et au Pays du Roi Morvan, un animateur de prévention en milieu rural ? Aux dernières nouvelles, il nous serait proposé un temps partiel...

Publié le mardi 7 octobre 2008, par Paul Paboeuf.

Messages

  • Le fait de vivre dans une société de plus en plus anonyme et urbaine, le manque de contrôle social, et notamment la passivité des témoins potentiels favorise la délinquance.Pour les vols, les témoins n’envisagent même pas de les déclarer aux autorités, ils ne se sentent pas concernés, ne veulent pas perdre leur temps, ou répugnent à la dénonciation. Les témoins qui ne sont ni des proches ni des victimes pensent n’avoir aucune légitimité pour agir.

    Dans un tel contexte, le délinquant sait où et quand il peut transgresser les lois, sans risque de voir quelqu’un réagir.

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  • Paul Pabœuf conclue son édito par : « Aurai-je la cruauté de rappeler que l’action sociale est une des premières compétences du conseil général ? »

    Il ne s’agit pas d’une « cruauté » mais de la réalité. Autre réalité, ou future réalité si les citoyens laissent faire, après 4 écoles de Gendarmerie, le Gouvernement prévoit la fermeture de 175 Brigades (Antenne 2, journal de 20 heures le 11 octobre), ce qui frappera d’abord les cantons ruraux.

    A un état policier, je préfère un état policé, mais le fait qu’il n’y ait dans la rue pas assez de surveillance, d’autorité légitime (Gendarmes, éducateurs, …), pour dissuader de passer à l’acte n’est pas sans importance. Pour compléter les propos de Catherine, je réaffirme que l’on doit recourir à des professionnels de surveillance parce les citoyens ne s’assistent plus mutuellement.

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  • ... on s’interressait à son voisin !

    La croissance de la délinquance est le fruit des ferments individualistes qui désintègrent tout lien social et qui empêchent une société, petite ou grande, de se sentir responsable d’elle même.

    L’absence de contrôle social dans la vie moderne est une merveilleuse garantie de liberté ; mais elle engendre aussi une irresponsabilité croissante. Plus la société sera individualiste, plus la répression devra être forte pour retenir la montée de l’incivilité et de l’incivisme.

    Resocialiser la société, tel est à moyen terme le seul mot d’ordre capable de lutter contre un fléau qui menace les bases de notre société.

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  • il ne faut pas attendre des miracles : il y a toujours eu des sales gosses qui tournaient mal, des têtes brûlées ; ils faisaient leur service militaire, l’armée les envoyaient en bataillon disciplinaire. mais Chirac a supprimé le service militaire. Tout le monde savaient que pour gagner sa vie, il fallait travailler, mais maintenant on a plus facilement du chomage que du boulot.En plus, c’est plus facile de gagner des sous avec la starac ou le loto.

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  • Et l’exemplarité ?

    Trop souvent les règles légales ne sont perçues que comme des indications par les adultes (voir les interdictions de stationner) et les classes dominantes (voir la fraude fiscale). Les interdits y sont entendus avec souplesse et les lois sont sujettes à discussion ou négociation.

    Lorsque tout est dans la démesure, lorsque les échelles de valeur sont trop souvent bafouées, lorsque les auteurs d’actes délictueux semblent parader sur nos petits écrans …, beaucoup mesurent la gravité d’un acte au risque couru à l’accomplir. Ce ne serait pas le délit qui est grave, mais le fait d’être pris !Pourquoi lui et pas moi ? Leurs succès encouragent à agir : le fait de réussir leurs délits sans problème incite à l’escalade.

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  • surveiller et punir....
    Seriez vous dans l’air du temps de la réforme de l’ordonnance de 45 (relative à l’enfance délinquante) : porte ouverte à moyen terme de la suppression de la notion éducative.
    Plutôt que “les” aider à devenir citoyens ne serait ce pas plutôt « les accompagner à devenir citoyen » que nous devrions dire ?
    N’est ce pas la notre rôle de citoyen et pas seulement celui des professionnels, police, éducateur, etc.?

    François Crenn, ancien questembertois (mais toujours de coeur), responsable d’un lieu de vie accueillant des jeunes en très grande difficulté psychosociale en région Centre.

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