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Revenu de Solidarité Active, une bonne idée pervertie

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La venue de Martin Hirsch en Morbihan a été l’occasion de célébrer en grande pompe le lancement du RSA (Revenu de Solidarité Active). Ce nouveau dispositif est censé remplacer définitivement le RMI et l’Allocation de Parent Isolé. Il apporte un complément de ressources à ceux qui retrouvent un emploi et a pour objectif d’empêcher les bénéficiaires de s’installer dans l’assistanat.

Une idée juste dans son principe

Il pouvait en effet arriver qu’un allocataire du RMI voie sa situation se dégrader s’il acceptait un emploi : un maigre salaire souvent à temps partiel, grevé par des dépenses de transport ou des frais de garde. C’était un comble, il valait mieux rester à la maison plutôt que de travailler. Ne croyez pas qu’il s’agisse de paresse : pour la plupart, les personnes éloignées de l’emploi préféreraient la dignité d’un travail à des allocations sociales. D’où la proposition qu’avait faite Ségolène Royal, reprise aujourd’hui par Martin Hirsch, de permettre le cumul entre la rémunération d’un emploi et les aides publiques.

Cependant, la mise en place du RSA vient après ce qu’on appelle l’offre raisonnable d’emploi. Un chômeur qui aura eu le culot de refuser se verra radié des listes de demandeurs d’emploi. Une offre raisonnable, c’est dans un périmètre de 30km et qui correspond globalement à ses qualifications.
Mais au bout de 3 mois, il devra accepter une baisse de salaire de 5 % au maximum ; au bout de 6 mois, les chômeurs pourront être contraints d’accepter une baisse de salaire de 15 % et un trajet maximal de 30 km ou une heure de transports en commun. Au bout d’un an, tout emploi rémunéré à hauteur de l’allocation-chômage sera jugé acceptable.

Cette notion d’offre raisonnable d’emploi jette un peu d’ombre sur le revenu de solidarité active : la générosité apparente de ce nouveau dispositif masque mal le soupçon jeté sur les demandeurs d’emploi, qui seraient des paresseux et des profiteurs.

Mais le RSA est là ; alleluia. Vérifions quand même si c’est vraiment plus avantageux, plus incitatif que les dispositifs antérieurs.

Notons encore que, dans sa configuration actuelle, le RSA ne prévoit rien pour les jeunes de moins de 26 ans qui ont pourtant beaucoup de difficultés d’insertion professionnelle et sociale. Mais ne faisons pas la fine bouche, pas de critique systématique sur un dispositif qui doit permettre que les plus pauvres le soient moins.

Quel financement ?

Autre bonne nouvelle, le financement est assuré par une taxe sur les revenus du capital. Enfin, plus précisément, le financement complémentaire, sachant que l’essentiel vient de redéploiement des allocations existantes... et aussi des ressources mobilisées par les conseils généraux. Petite nuance cependant, la taxe nouvelle sera intégrée dans le bouclier fiscal, qui permet aux pauvres super-riches de payer moins d’impôts.

voir l’article Revenus : la redistribution des plus pauvres vers les plus riches

D’ailleurs, même M. A. Juppé a noté que les plus riches seraient dispensés de payer. Le Monde a calculé que cette nouvelle taxe concernera 50% des ménages. Mais c’est une taxe sur les revenus du capital, vous devriez être contents.

Trappe à bas salaires

Autre avantage du RSA, selon ses promoteurs : il facilite le retour à l’emploi. En tout cas, on le dit. Même si, d’après François Bourguignon, président du comité d’évaluation du RSA, les expérimentations n’ont pour l’instant trouvé aucun effet statistiquement significatif, bien qu’elles aient été menées avec les collectivités volontaires et donc motivées.
D’autres craintes se font jour : cette nouvelle forme de subvention au temps partiel que constitue le RSA ne va-t-elle pas encore accroître le nombre des emplois précaires ?
Denis Clerc, dans un article d’Alternatives économiques souligne les risques de voir le patronat profiter de l’aubaine pour maintenir des bas salaires et se servir d’un salariat taillable et corvéable à merci.

Le RSA, bel effet d’annonce

Annoncé à son de trompe, le RSA est surtout une belle opération de communication, (« on va aider les pauvres et on va taxer le capital »).
Ne boudons pas les effets positifs :
retirer un profit net de ses heures de travail est quand même préférable que de vivre uniquement de minima sociaux ou, pire, de voir ceux-ci trop brutalement réduits par une reprise d’activité. Mais ne nous laissons pas prendre au piège et pour un peu, je me rappellerais la formule d’un vieux militant : « ils entretiennent la misère pour pouvoir faire la charité. »

Publié le lundi 8 septembre 2008, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

Selon les propos rapportés par le Mensuel du Golfe, F. Goulard conteste le financement du RSA.

« Je voterai pour le RSA en tant que dispositif social » mais, « en l’état actuel des choses, je voterai contre ses modalités de financement parce qu’elles pénalisent les épargnants petits, moyens et ne touchent pas les épargnants les plus aisés » bénéficiant du bouclier fiscal, a déclaré François Goulard sur France Info.

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