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Questions agricoles ; retour sur un débat

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Le conseil du 26 octobre a débattu et voté sur le projet de restructuration et d’extension d’une porcherie présenté par M. Marion à Bréhardec. Le débat a été riche, argumenté et l’avis rendu par le conseil municipal a été éclairé par tous ces échanges.

Un rappel des faits : le projet rassemble et réorganise deux exploitations l’une à Bréhardec, l’autre à Lesnaré en Larré ; de plus l’agriculteur a repris des droits à produire venant d’autres secteurs du département : cela se traduit par le rachat d’unités d’azote et le rachat implique comme pour le transfert des quotas laitiers un abattement de 20%. Désormais, au lieu de faire élever à l’extérieur une partie des portées de ses truies par des « façonniers », des éleveurs qui engraissent les porcelets, l’exploitant deviendra naisseur-engraisseur pour la totalité de ses porcelets.

L’augmentation de la production totale aurait pu obliger à étendre le plan d’épandage, mais la solution retenue – traitement par séchage de 20% du lisier – permet d’exporter une partie des effluents vers des zones qui manquent de matière organique. La qualité du produit (eh oui !) le rend attractif pour des usages spécifiques, comme par exemple pour des semis chez les pépinieristes : le compost est exempt de toute graine qui pourrait concurrencer les plantes semées.

Notez aussi que le lisier lui-même est recherché par d’autres agriculteurs (les laitiers principalement) comme fertilisant : l’éleveur s’engage dans son plan d’épandage à fournir les quantités réclamées. En ce sens, le projet n’a pas d’impact sur la charges azotées dans notre secteur.

Pour se conformer aux exigences du « confort animal », l’éleveur devra modifier ses installations. Mais d’ores et déjà, on peut dire que la santé des porcs est une priorité, en recourant évidemment le moins possible aux traitements dont le coût viendrait grever les résultats de l’exploitation. Si la mortalité infantile est un indice de développement social, on peut considérer que la situation au regard de la mortalité des porcelets est excellente dans cet élevage : ses résultats sont au-dessus de la moyenne et le situent dans les tout premiers dans ce domaine.
Pour ce qui est de l’emploi, l’extension de l’élevage pourrait à terme permettre le recrutement d’un salarié supplémentaire, mais il faut considérer que l’exploitation emploie déjà 4 personnes et ce sont des emplois qualifiés.

Au-delà de l’exploitation ici concernée, il faut tenir compte en plus des emplois directs aussi bien des emplois en amont que des emplois induits spécialement dans l’industrie agroalimentaire. L’étude de l’INSEE sur notre territoire (communauté de communes) en montre l’impact massif : en incluant Pleucadeuc, cela correspond à 25% des effectifs salariés.

Les arguments contre le projet sont nombreux et solides et ils ont été exposés avec beaucoup de sérénité par plusieurs intervenants. La question des excédents de déjections animales et par conséquent de nitrates – entre autres – reste cruciale avec la prolifération des algues vertes sur les rivages. Car au bout du compte, ces excédents finissent à la mer, mais avant ils contribuent à eutrophiser les rivières.

Un deuxième argument se fonde sur la concurrence massive des grosses exploitations face aux toutes petites structures. Leur puissance et leur besoin incessant de s’agrandir bloque l’installation de jeunes qui sont à la recherche de terres – notamment – pour des projets orientés vers les productions biologiques et la vente directes. De plus, au contraire des exploitations « industrielles », les petites fermes sont riches en emplois. D’ailleurs, on peut s’interroger sur la pérennisation de ces grosses exploitations : qui aura les moyens de racheter des installations de cette valeur ?

Ensuite, face à l’agroindustrie, du fournisseur d’aliment du bétail, à l’abattage et à la transformation, l’éleveur se trouve en position de faiblesse et il perd toute son autonomie, malgré le discours sur l’entrepreneuriat. Quant aux emplois de l’industrie agroalimentaire, ce sont souvent des emplois pénibles, peu qualifiés et mal rémunérés.

Enfin, au-delà de notre simple territoire, ce mode d’agriculture nous interpelle sur les échanges mondiaux : pour nourrir nos animaux, nous importons du soja, dont la monoculture menace tout autant la souveraineté territoriale, alimentaire et culturelle des Etats-nations que les droits des Communautés Indigènes et Rurales. L’industrie agroalimentaire de soja exclut, appauvrit et affaiblit la population.

Ces arguments sont évidemment recevables même s’il faut parfois mettre un bémol. Ainsi, à propos de la surfertilisation par les lisiers, on doit noter qu’en déshydratant une partie du lisier produit à Bréhardec, l’éleveur n’aggravera pas la situation mais contribuera plutôt à l’améliorer. Les questions de commerce international peuvent nous interpeller et le pillage des richesses des pays pauvres nous forcer à infléchir nos comportements. Mais fallait-il « faire un exemple » en refusant le projet ? Il est difficile également de remettre en cause un type de développement, dont l’exploitant d’aujourd’hui est l’héritier : par certains côtés, il continue ce qui a été commencé avant lui et qui a fait de la Bretagne, ce qu’elle est aujourd’hui, avec ses richesses et ses handicaps. Et il continue dans le sens d’une meilleure qualité. J’oserais même dire qu’il est exemplaire d’une certaine façon et c’est pourquoi je lui ai apporté mon soutien. En cela, je ne crois pas trahir mon engagement en faveur du développement durable et solidaire : l’action politique conduit à des compromis entre l’idéal, le souhaitable et le possible. C’est ce que nous avons fait.

Publié le mardi 3 novembre 2009, par Paul Paboeuf.

Messages

  • A titre d’information et pour être concret,
    quelle est la conséquence, au niveau des odeurs, pour le voisinage
    immédiat de cette porcherie ? Sur ce problème, l’article n’est pas clair.
    Merci de votre réponse.

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    • Enen fait, personne à ma connaissance n’a évoqué les odeurs pendant le débat au conseil ! ou en tout cas, ça n’a pas été au coeur de la discussion. c’est donc normal que cela n’apparaisse pas dans la synthèse.

      le compte-rendu officiel du conseil n’évoque pas non plus la question des odeurs (voir le fichier pdf lié à l’article du site de la commune)

      Donc, j’en suis réduit à donner mon avis sur la question, alors que j’habite à 4 km de l’exploitation, et pas sous les vents dominants....

      Le développement prévu ne va pas aggraver la situation, je ne dis pas que les nuisances n’existent pas, je dis qu’elles ne devraient pas s’accroître : le système de dessication du lisier réduit les odeurs. Il reste qu’au global, un élevage de porcs ne sent pas la rose ! Mais un étable de bovins non plus, pas plus que les chèvres, les canards ou les poules.

      ma réponse ne vous satisfera pas, je sais, elle est simplement sincère.

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    • Bonjour, pour info
      aujourd’hui en 2011, j’habite à Bréhardec à 50 m de la porcherie et cela pue tous les jours !!!!!! j’espère juste que nous n’attraperons pas de maladie genre grippe h1n1 ou problèmes respiratoires.....
      en attendant je cherche à déménager....

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  • Bonjour, et bien, si je lis bien votre discours, ne changeons rien puisque l’agriculteur ne fait « qu’hériter » d’une situation dont il n’est pas lui-même responsable, alors continuons gaiement dans la même direction productiviste, quantité, rendements et au bout du compte mal-vivre généralisé pour les producteurs et consommateurs.Alors, quoi faire ? Se résigner à l’état des choses ? (puisqu’on nous le dit ?) Se résigner comme tous ces cochons que l’on mènent aux abattoirs aprés les avoir engraissés de nourritures malsaines ? Se résigner à manger du porc industriel tandis que le porc « fermier » sera réservé aux « élites » ? Un système bien écoeurant à mon avis, mais dont personne n’est responsable puisque nous « héritons » tous d’une situation antérieure à laquelle nous n’avons point participés. Et pas trop de remords envers les générations futures, nous ne serons plus là pour entendre leurs reproches envers nous d’avoir « acceptés ». Mais j’espère qu’eux n’accepteront pas. COrdialement

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  • Le dernier bulletin municipal de la commune indique à propos du projet de porcherie de l’EARL Bréhardec le nombre total de bêtes après extension (7018 porcs) et rappelle les techniques visant à réduire les effets néfastes d’une telle installation.

    La commune doit donner un avis avant que le préfet accorde ou refuse l’exploitation.

    L’argumentaire contre ce projet est, comme le précise Monsieur Paboeuf, solide et sérieux (avis de différentes associations locales comme elementerre, ou régionales comme eaux et rivières de Bretagne ou du syndicat agricole de la confédération paysanne,…).

    Les réflexions des élus visant à appuyer le projet sont les suivantes :
    Il y a prolifération des algues vertes et l’agriculture semble responsable de ce problème mais est-ce la seule ? […]
    La profession a pris conscience des problèmes agricoles et d’énormes efforts techniques et financiers sont faits […]
    Une autre conseillère fait part de toutes les contraintes que subit le monde agricole […] (sous entendu qu’il y en a trop mais pas plus d’explications sur ce sujet)
    Une autre encore ne connaît pas ce milieu et ses techniques selon ses propres termes mais salut la transparence des demandeurs […]
    Monsieur le maire quant à lui réfléchit en terme d’emplois (peut être un emploi créé sans compter les emplois indirects ! Sur ce dernier point, pas d’information si ce n’est de dire que 30% des emplois salariés sur le territoire sont des emplois dépendant de l’agriculture).

    La majorité du conseil municipal a donc, au regard de ces arguments, donné un avis favorable au projet. Le conseil récompense donc :
    -  les efforts de transparence des demandeurs (rappelons que c’est bien l’objet d’une enquête publique !)
    -  le sérieux de la présentation du dossier (dossier élaboré par la firme agroalimentaire Sanders au nom de l’EARL Bréhardec. Il aurait donc été étonnant de trouver des arguments contre le projet !).

    C’est une façon confortable de voir les choses mais on ne traite pas du fond de l’affaire. On sent derrière la faiblesse des arguments visant à défendre le projet, qu’un certain nombre d‘élus n’est pas à la hauteur des enjeux et que nous sommes en pleine trahison des engagements électoraux sur cette question du développement durable.

    Il faut rappeler que les services de l’Etat (voir position du Préfet des Côtes d’Armor sur le sujet du 04/09/2009) partagent enfin les affirmations et analyses des associations environnementales, de syndicats agricoles autres que la FNSEA, de formations politiques (UDB et Verts) qui dénoncent depuis plusieurs années les graves problèmes de l’agriculture productiviste. Certaines réflexions des élus de Questembert font penser aux propos de M. Baratte de la coordination rurale lors d’une intervention au conseil économique et social du 16 mars 2009 qui pêle-mêle niait la nocivité des nitrates, affirmait que la pollution était uniquement d’origine urbaine et que l’agriculture intensive était une activité dépolluante. Il ne s’agit pas de dire que les agriculteurs sont les seuls responsables de la situation. Comme le rappelle Mona Bras dans un article récent du Peuple Breton ils en sont les premières victimes directes en terme de santé, de casse de l’emploi agricole (- 17000 emplois de chefs d’exploitation entre 2002 et 2007) pour un revenu faible en moyenne (revenu de 12000 euros en moyenne par actif soit moitié moins que le revenu médian français), en terme d’emploi agroalimentaire dérivés mal payés et pénibles. Il s’agit bien d’une responsabilité collective entre les consommateurs, les maires accordant les permis de construire, les préfets qui accordent et le plus souvent régularisent des exploitations toujours plus concentrées, les banques qui accordent les prêts sans se soucier du coût global pour la société, les coopératives et multinationales qui poussent les agriculteurs à l’intégration dans un système agricole intégré infernal…

    Alors comme s’interroge M. Paboeuf, faut-il prendre le risque de refuser cette nouvelle structure agricole ?

    Compte tenu des forts enjeux en question et du début officiel très récent de la prise de conscience de l’Etat, il me semble que c’est le moment pour l’Etat, les collectivités et les citoyens, qui tous, au travers des politiques publiques en matière d’environnement et d’urbanisme, doivent mettre en œuvre des décisions du Grenelle de l’environnement de s’opposer à ce type de projet agricole. La cohérence des affichages politiques l’impose. Dans le cas contraire, qu’attend-on ? quand commence t-on ? A quoi servent les représentants du Peuple s’ils ont peur de s’engager dans des voies que l’on sait justes ? Pour ma part, j’attends des élus que j’ai choisi qu’ils ne se voilent pas la face, qu’ils tranchent en fonction de l’intérêt général et non en fonction de l’intérêt particulier ou de la simple peur de s’opposer.

    Il est temps à Questembert comme ailleurs de ne plus penser le développement durable comme un simple argument électoral. Il ne s’agit plus d’intervenir uniquement au travers de manifestations festives sans lendemain (forums sur l’habitat durable, les fêtes de l’arbre et des talus…) qui sont utiles et intéressantes, mais très en dessous du fond des préoccupations essentielles de cette notion primordiale pour nous et nos descendants.

    Claude

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  • * Bonjour,

    Je permets de vous inviter à lire cet article sur ce sujet. Ca ma parait
    intéressant.

    SG

    Nationaliser l’agriculture vivrière

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  • « le lien charnel de la France avec son agriculture et, surtout, sa terre, » Dans son discours agricole du côté de Polignyn (Jura), Sarkozy se référait sans le savoir (?) à Pétain : « La terre, elle, ne ment pas ».

    Outre que ce discours était la répétition presque mot pour mot d’un discours prononcé en février dans le Maine-et-Loire, il peut provoquer quelques réflexions.

    Chronique ironique : « Est-ce que quelqu’un lui a dit ? »

    Et si vous avez manqué le discours répété, c’est ici

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  • Bonjour , A propos de cette porcherie ,où en est l’autorisation préfectorale d’exploiter et l’autorisation de construire du maire ?

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