La fausse compassion
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La compassion est à la mode : il est de bon ton de plaindre sincèrement les victimes des malheurs du monde, les victimes des catastrophes naturelles, dont certaines ne pas si naturelles que cela, et les victimes des catastrophes sociales, alors qu’il faudrait lutter contre les injustices qui les provoquent. Mais la compassion est un fonds de commerce profitable pour les politiciens démagogues. Du sommet de l’état jusqu’au niveau local, vous les voyez qui accourent pour verser leur larme, si possible devant la caméra ou au moins en public.
Dès qu’il y a du malheur, les voici qui volent au secours des victimes, vraies ou fausses, comme dans l’affaire du RER B, où la plaignante avait tout inventé. Au niveau du gouvernement, la démagogie a atteint des sommets avec la création en mars 2004, du secrétariat d’Etat aux Victimes, occupé par Mme Guedj, qui s’est empressée d’afficher sa compassion devant la presse et la télévision. Elle était une sorte de déléguée à la compassion gouvernementale, prête à se rendre au chevet de toutes les victimes, y compris des fausses victimes. Curieusement, elle est passée à la trappe, à l’occasion d’un remaniement ministériel.
La méthode, élevée ainsi au niveau ministériel, est pourtant une tradition qui remonte au moins aux dames patronnesses du XIXème siècle qui venaient soutenir les pauvres gens, et elle a été systématisée par le Front National qui indiquait à ses militants qu’ils devaient voler au secours de toutes les victimes des agressions ou même des incivilités, quand ce n’est pas des services fiscaux ou des tracasseries administratives. Et nous voyons jusque chez nous que la méthode peut servir pour se faire bien voir et donner à penser qu’on s’occupe des problèmes des gens. « Ah ma pauvre dame, vous avez été victime... »
Cela veut-il dire que je prône l’indifférence à la misère ou au malheur ? Non bien sûr. Partager le deuil, soutenir ceux qui sont dans la peine, quelle que soit la cause, ce sont des gestes d’humanité, qui s’imposent à tous. Mais la compassion affichée n’est souvent qu’un moyen de gagner la confiance de ceux qu’au fond ces bons apôtres méprisent.
Le soutien aux victimes s’est même niché dans la préparation du PLU ! Ceux dont les réclamations n’avaient pas été satisfaites ni par la commission, ni par le commissaire enquêteur, pouvaient trouver des oreilles compatissantes ! Bon moyen pour faire du clientélisme, croyez-vous ? Attention cependant à l’effet boomerang : on risque de se déconsidérer à soutenir des demandes inacceptables.
Pour approfondir la réflexion, un article de l’économiste J. K. Gabraith, dans Le Monde diplomatique : L’art d’ignorer les pauvres
Publié le mardi 25 juillet 2006, par .