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Commémorer le 19 mars 1962

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Comme chaque année, nous avons marqué l’anniversaire du cessez-le-feu en Algérie proclamé le 19 mars 1962 au lendemain de la signature des accords d’Evian. Partout en France, les anciens d’Algérie, avec leurs familles et leurs élus, se sont rassemblés pour une commémoration non officielle, que certains rejettent violemment, et que d’autres ont tenté de remplacer par une date improbable, si neutre et si peu pertinente qu’elle n’est marquée que par une poignée de militants. Pour le cinquantième anniversaire, on aurait pu attendre que les autorités fassent un pas vers la reconnaissance du 19 mars.

Une date qui divise ?

Le secrétaire d’Etat aux anciens combattants a d’ailleurs expliqué le refus de la célébration officielle : « loin de réconcilier les mémoires, le 19 mars est une date qui les divise et ravive les plaies profondes d’une page douloureuse de l’histoire récente de la France. »

Mais justement l’histoire, selon les mots de Lionel Jospin, doit nous apporter des leçons qui forment un ciment puissant pour notre communauté nationale, qui nous permettent d’édifier de plus solides fondations pour notre avenir collectif.

Même s’il n’y a pas de célébration officielle, cet anniversaire a provoqué un bouillonnement de la société : la presse, la radio, les médias ont beaucoup parlé de la guerre d’Algérie et de ce cinquantième anniversaire des accords d’Evian et du cessez-le-feu.

La date du 19 mars est une date pivot pour une histoire qui commence bien avant et qui se prolonge jusqu’à maintenant.
Nous avons tous appris à l’école que la conquête de l’Algérie commence le 14 juin 1830 par le débarquement de l’Armée d’Afrique à Sidi-Ferruch ! Et qu’elle paraît s’achever par la reddition d’Abd-el-Kader en 1847... Mais la « pacification », comme on disait déjà, continue bien au-delà jusque sous la 3ème République.

Si la révolte du peuple opprimé commence dès avant la guerre de 1939-1945, elle prend un tour bien plus violent le 8 mai 1945, jour de la capitulation nazie : lors du défilé de la victoire, les nationalistes en profitent pour brandir des drapeaux algériens, un policier tire et tue une jeune manifestant. C’est le début des émeutes de Sétif, qui furent réprimées avec une extrême violence. Les historiens parlent de 10 000 morts.

Des fils de la Toussaint à l’indépendance algérienne

C’est à la Toussaint 1954 que se déclenche ce qui est resté longtemps une « guerre sans nom ». Car, comme toujours, les mots servent à montrer mais aussi à cacher : la langue officielle parlait d’opérations. Et pour ces opérations de maintien de l’ordre, on vous a rappelés pour les plus anciens, on vous a appelés, on vous a « maintenus » jusqu’à 28 ou trente mois.

Certains ont tenté de refuser la mobilisation, mais la plupart comme vous sans doute sont partis là-bas, sans conviction, simplement parce que votre pays, par ses responsables démocratiquement élus, vous enjoignaient de le faire.

Huit années durant, les soldats ont subi les épreuves d’une guérilla multiforme, de plus en plus soutenue par les habitants. Il n’y avait pas d’autre issue que la négociation, qui aboutirait forcément à l’indépendance de l’Algérie, et c’est que le général de Gaulle a compris très vite, à la différence de beaucoup d’autres hommes politiques.
Vous étiez lassés de ces combats, les Français, vos parents, vos amis, dans leur grande majorité, partageaient cette lassitude, comme le prouve le vote massif au référendum sur l’autodétermination que de Gaulle avait annoncé dès septembre 1959.

Les accords d’Evian, qui permettent le cessez-le-feu dont nous avons marqué le cinquantième anniversaire, sont l’aboutissement d’une longue négociation. Pour vous, ce fut le soulagement, la joie de penser au retour chez vous.

Nous savons tous que ce ne fut pas la fin des souffrances, des massacres, des violences. Les unes fomentées par les activistes de l’OAS, les autres par les fanatiques assoiffés de vengeance. Nous n’oublions pas le sort abominable réservé aux harkis, l’exode massif des pieds-noirs à qui l’on offrait le choix « la valise ou le cercueil. » Nous n’oublions rien de cela, et c’est pourquoi nous étions si nombreux ce matin pour commémorer dignement le cinquantième anniversaire des accords d’Evian et du cessez-le-feu en Algérie.

Un soutien constant pour faire reconnaître cette date

Ma position sur le sujet ne date pas d’aujourd’hui. Un de mes frères et plusieurs de mes cousins ont été envoyés au combat. Ils n’en parlent que rarement, comme beaucoup d’anciens. C’est un sujet sur lequel j’ai voulu m’informer : j’ai lu des livres, des articles, j’ai rencontré des responsables des anciens d’Algérie. Lorsqu’en 1992, Bertrand Tavernier a réalisé le film de témoignages intitulé La Guerre sans nom, j’ai proposé à l’association Iris Cinéma, dont j’étais un membre actif d’organiser un événement en partenariat avec la FNACA. La FNACA a présenté une exposition à la salle Alan Meur et le cinéma a fait des séances spéciales à destination des anciens d’Algérie. Plus d’un millier de spectateurs se sont déplacés pour les trois séances.

Chaque année, depuis 1995, j’ai tenu à être présent en tant que maire aux cérémonies commémoratives et j’ai dans mes interventions redit mon soutien pour faire reconnaître la date du 19 mars.
Le message du comité national de la FNACA

Publié le lundi 19 mars 2012, par Paul Paboeuf.




Post-scriptum

J’ai été très touché de recevoir des mains du président de la section locale de la FNACA la plaque commémorative du 50ème anniversaire, gravée à mon nom.

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