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Bolkestein

Le retour

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Il y a des directives qui viennent de loin. Tout commence le 25 mars 1957 par le Traité de Rome. Il décide d’un marché commun au sein duquel un jour circuleront librement les marchandises, les capitaux, les travailleurs et les services. A cette époque, les six pays doivent se mettre d’accord : l’unanimité prévaut. Le Traité ne dit pas sur quelles bases la circulation doit se faire. C’est la Cour de justice des Communautés européennes qui fixera la règle en 1979 à propos de la liqueur de Cassis. Des entreprises allemandes prétendaient qu’elle ne pouvait pas entrer dans leur pays car ne répondant pas aux normes du pays d’accueil. La Cour a tranché autrement : toute marchandise acceptable dans un Etat doit l’être dans tous les autres. Ainsi naissait le principe du pays d’origine, longtemps endormi au moins pour les services.

Voir en ligne : Le site de Bernard Poignant

Février 1986 : de commun le marché devient unique, c’est-à-dire que toutes les barrières doivent sautées, y compris techniques et administratives. De plus, la majorité suffit pour décider. Douze pays composent l’Union. Désormais, aucun ne peut bloquer le mouvement : le droit de veto d’un seul disparaît.

Mars 2000 : le monde a changé de visage. L’élargissement se profile à l’horizon. Des pays nouveaux entrent dans la compétition internationale. L’Europe ne peut pas rester à la traîne. A Lisbonne, le Conseil européen arrête une stratégie et un projet : notre continent doit développer la croissance et accroître le nombre de ses emplois. Pour cela, accélérer la mise en place du marché intérieur est nécessaire. Le secteur des services doit désormais s’ouvrir. Il est de plus en plus créateur de postes de travail et l’Europe a déjà de l’avance dans certains domaines.

13 janvier 2004 : fidèle à ce mandat, le commissaire Fritz Bolkenstein, libéral néerlandais, rend sa copie. Sa directive est sur les rails. Au début, il n’y a guère de réactions vives. Le Parti Communiste en fait un titre de l’Humanité mais, anti-européen historique, son argumentation n’attire pas l’attention. Au même moment, le syndicalisme belge part en guerre contre le texte. Plus tard, les Suédois se mettent à craindre pour leurs conventions collectives. Puis les Français prennent le relais et la directive devient un argument massue pour refuser le Traité constitutionnel même si le lien n’est pas direct. Mais, dans ce cas, tout est bon !

Un point polarise l’attention : le principe du pays d’origine, déjà utilisé dans l’Union mais jugé, à juste titre, dangereux s’il s’applique sans limite et sans précaution à tous les services, notamment publics, au droit social, à la nature des contrats et aux opérations de contrôle. Il stipule en effet qu’une entreprise qui rendrait un service dans un autre pays appliquerait le droit du pays d’où elle vient et non de celui où elle travaille. On appelle cela du dumping social et juridique. C’est une rupture avec la méthode d’harmonisation progressive largement utilisée par Jacques Delors pendant son mandat à Bruxelles.

La bataille s’engage alors sur trois fronts au Parlement européen. D’abord pour réduire le champ d’application de la directive en excluant les services d’intérêt général comme l’Education Nationale et les services d’intérêt économique général comme le gaz et l’électricité ou les services sociaux et le logement social. Tout n’ayant pas été sorti du texte, les socialistes français ont décidé un vote final négatif. Puis, il fallait protéger le droit social en particulier pour l’application des minima salariaux, de la durée et des conditions de travail qu’ils soient fixés par la loi ou dans les conventions collectives. Le Parlement a voté ce point. Enfin, le principe du pays d’origine devait disparaître totalement. L’expression ne figure plus mais le compromis adopté a paru soit d’une écriture ambiguë soit source d’insécurité juridique. C’est une autre raison qui a conduit à un vote hostile.

Le document adopté par le Parlement présente de nombreuses avancées par rapport au texte initial. Il ne fait pas que des heureux : nos camarades des nouveaux pays vivent cela comme un protectionnisme déguisé d’autant qu’on ne s’est pas gêné pour occuper leur marché. Il ne faut pas oublier que si des Polonais viennent travailler en France, des Français exercent leur métier en Pologne. Généralement, ils ont plutôt envie d’avoir le salaire du ....pays d’origine ! C’est pour cela que le 1er mai 2006, deux ans après l’adhésion de dix Etats, la France ferait bien de lever toutes les restrictions à la libre circulation des personnes. Sinon, nous finirons à leur yeux par apparaître nationalistes, même nous socialistes !

Enfin, il n’a échappé à personne que l’essentiel du groupe des députés socialistes européens, au nombre de 200, encouragés par la Confédération Européenne des Syndicats a voté en faveur de ce nouveau texte. Le Président de la CES est venu mardi 14 février 2006 plaider un tel vote après la grande manifestation à Strasbourg. Il s’agit de Candido Mendez, membre de l’UGT, syndicat proche des socialistes espagnols. Il nous a précisé comment s’appréciait un compromis : soit en fonction de l’objectif idéal et on vote toujours contre car il n’est jamais atteint ; soit en fonction de la position de départ en mesurant le chemin parcouru.
A vous de juger

Publié le jeudi 16 mars 2006, par Bernard Poignant.

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